Persona non grata

Je suis un être adorable. Dixit ma mère. Un être parfaitement élevé dans l’honneur et la droiture. Dixit mon père. Gentil et serviable, toujours prêt pour donner un coup de main. Dixit mon prêtre. Et tout le monde m’aime. Dixit Raymond.

Bonjour. Je m’appelle Victor LADOU. J’ai 44 ans et je mesure 1m88 pour 77 kilos. Je suis brun aux yeux verts. Et aujourd’hui, je suis persona non grata…

Mélancolie et moi aimons flâner dans les rues d’Albi, admirer la cathédrale Ste-Cécile qui, rappelons-le, est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Nous aimons déambuler dans le silence du cloître St-Salvy, nous promener dans les jardins de la Berbie.

Sauf qu’il peut arriver que le ciel clément et ensoleillé change de visage d’un seul coup, à l’image du tempérament orageux et belliqueux des fiers habitants de ce merveilleux département qu’il surplombe.

Nous nous sommes alors précipités vers l’abri le plus proche afin de nous protéger des intempéries. Il se trouve qu’il s’agissait DU cinéma d’art et d’essai de la ville, que seuls les vrais albigeois auront reconnu sans que je n’aie à le nommer.

Elle s’est alors étonnée que je ne l’y ai jamais amenée. J’ai été obligé de lui avouer que j’avais été banni de ce haut-lieu culturel et que j’y étais persona non grata  suite à une blague de potache m’ayant valu une exclusion à vie il y avait 22 ans de cela.

Tout ça à cause du coup du chapeau…

Mes explications n’ayant pas suffi à satisfaire sa curiosité, et malgré mes nombreux refus, elle m’avait harcelé de question jusqu’à ce que je craque et que je me résigne à lui raconter toute cette triste affaire.

J’étais avec ma conquête de l’époque et nous étions donc allés, après un apéro particulièrement arrosé, voir je ne sais plus quel film d’auteur français. Peut-être était-ce une rétrospective Godard. Ou le second opus des Visiteurs. Je ne sais plus…

Bref, nous étions là, quelque peu éméchés, quand je lui ai raconté la blague du chapeau. Je lui ai dit que la dernière fois que j’étais venu, avec mon ex qui avait profité de la pénombre de la salle obscure pour me prodiguait une fellation.

Sauf que la lumière était revenue avant qu’elle ait pu (me) finir et j’avais alors attrapé la première chose qui m’était tombée sous la main et j’avais donc caché à la hâte mon sexe sous mon chapeau. De son côté, elle avait fait semblant de chercher quelque chose par terre.

La personne assise à quelques sièges de nous lui avait alors dit que si elle cherchait ma bite, elle était cachée sous le chapeau…

Une blague somme toute mignonette et que je croyais sans conséquence. D’autant que ma conquête du moment s’était offusquée en me disant qu’elle ne ferait pas une chose pareille, que ce n’était pas son genre, bref, elle était montée sur ses grands chevaux.

Je la calmai comme je pus et le film commença. Et je ne sais pas si c’est l’alcool, le film, l’ambiance feutrée ou le fait que mon ex soit sa sœur jumelle, mais j’ai soudain senti une main se poser sur ma braguette et l’ouvrir.

Puis a commencé un long travail de longue haleine, de succion et de réhydration par application buccale. Inutile de dire que j’étais aussi embarrassé que surpris. Je ne m’y attendais pas mais me laissait quand même aller au plaisir de l’amour oral.

Sauf que la lumière s’est rallumée un peu trop vite et que j’ai attrapé la première chose qui m’est tombée sous la main avant que M. Wilson ne me mette la sienne sur mon épaule. Et ne soit à la limite de l’apoplexie

Il faut dire qu’une moufle ne couvre pas aussi bien qu’un chapeau…

Mélancolie a alors éclaté de rire, m’a attrapé par la main et s’est approchée du guichet pour acheter deux places. Elle m’a ensuite dit que cela faisait plus de vingt ans et qu’il y avait prescription maintenant et que le vieux Wilson était probablement mort depuis.

Et puis a-t-elle ajouté de ne pas m’inquiéter, car elle avait un chapeau…